En Bretagne, la féodalité territoriale régnait sans entraves et avec toutes ses conséquences, au début du xie
siècle; c'est dans les conditions de ce régime, et avec les relations et
les obligations qu'il comportait entre le seigneur et ses vassaux, que
l'abbaye de Saint-Georges fut investie des donations du duc Alain III, des
princes de sa famille et des hauts barons de Bretagne.
Le Cartulaire renferme, à ce sujet, d'intéressants documents; un des plus
curieux est, sans contredit, la convention passée vers 1036, suivant du
Paz, par l'abbesse Adèle, soeur d'Alain III, avec un de ses
feudataires tenanciers nobles nommé Donoal. Elle lui permit de
construire un château, castrum sibi agere, à Tinténiac, « in
Tinieniaco » à condition qu'il se reconnût l'homme lige de
l'abbaye et qu'il ne pût jamais transférer son hommage, dans aucun cas, à
nul autre suzerain.
De plus, Donoal s'engageait à ne jamais donner asile ni protection à un
ennemi de Saint-Georges. S'il faussait son serment deuil perdait son
fief comme parjure et foi-mentie. Quod si prefalus Donoalus huius convencionis
« quidpiam transgresser ruent, quicquid sibi honoris Sancti e
-Georgii est concessum amillai velut perjurtts et infidelis. »
Le mot honor, dans la latinité du xie siècle, est synonyme de feudum; c'est
le fief confié à la foi du noble tenancier, et plus particulièrement encore
le manoir principal, le chef-lieu de la châtellenie féodale. Dès
l'époque des empereurs carlovingiens, le titre honor s'appliquait déjà aux
bénéfices concédés viagèrement aux hommes de guerre par le souverain dont
ils suivaient la bannière et à qui ils avaient voué leur service militaire.
Ce château de Tinténiac dont l'origine vient de nous apparaitre dans la
charte de concession d'Adèle à Donoal, fut encore l'occasion d'une
transaction postérieure entre la même abbesse et Guillaume, surnommé
Ismaëlite, qui parait avoir succédé à Donoal, et était vraisemblablement
son héritier. Guillaume avait construit une chapelle dans son
château, vers 1060, du temps de Reginald (ou Bainaud), évèque de SaintMalo.
Il fut stipulé et accordé entre l'abbesse et Guillaume a son fidèle que la
moitié des oblations faites à la dite chapelle par les paroissiens de
Tinténiac, habitant dans l'enceinte du château, appartiendraient au
chapelain de Guillaume, l'autre moitié restant à l'église paroissiale
dédiée à la Sainte Vierge, et à l'abbesse. Mêmes conditions pour les
hommes du dehors, étrangers à la paroisse de Tinténiac.
Quant aux paroissiens de Tinténiac habitant en dehors de la forteresse,
toutes leurs oblations étaient la propriété de Notre-Dame et de
l'abbesse. Je renvoie le lecteur au texte de cet acte, où il trouvera
encore de curieux détails sur le casuel ou les droits et rétributions que
la législation coutumière accordait aux ecclésiastiques dans certaines
solennités du culte et dans l'administration des sacrements de l'église.
Les descendants de Guillaume continuèrent pendant plusieurs générations à
porter le surnom d'Ismaëlite, ( Isinaeliticus. » (1)
1- Ismaclites, - Esmalites, - Hesmaliles. Ce surnom ne
devait-il pas son origine et ne se reportait-il pas à quelque souvenir des
pèlerinages dans l'Orient et en Terre-sainte qui précédèrent les Croisades
. Les traditions orientales, conformes à la Genèse, qualifient Ismael « Ferais homo » et Sagiltarius. » Elles rappellent
aussi qu'il eut une nombreuse postérité.
Les Arabes se disent issus d'Ismael.
C'est au xiie siècle seulement qu'ils commencent à
prendre le nom de Tinténiac. En 1180 et 1197, Guillaume de
Tinténiac, dans des donations à Saint-Georges, parle le premier de son
père, Guillaume de Tinténiàc, et de son oncle, Geoffroi de Tinténiac.
Le P. du Paz a
appliqué au château de Montmuran les chaartes de notre Cartulaire où il est
question du château construit par Donoal, «castrum in Tinteniaco.» Je ne partage pas son opinion. Rien ne prouve que les châteaux de
Tinténiac et blontmuran doivent être confondus. Au contraire, il
résulte du texte de nos chartes cités ci-dessus, que c'est bien à
Tinténiac, in Tintenniaco, que fut fondé le château de Donoal et de
Guillaume Ismaëlite.
Quand a-t-il disparu? L'histoire de Bretagne nous l'apprend. Ce
f'ut vers la fin du xii" siècle. En 1168, Henri il, roi
d'Angleterre, guerroyant contre Eudon de Porhoët, vint attaquer le château
de Tinténiac, le prit, le rasa, le détruisit de fond en comble.,«
Tinienniacum evertit, - dit la Chronique de Robert, abbé du
Mont-Saint-Michel » .
Nul auteur, nul chroniqueur ne mentionne la reconstruction de Tititéniac;
et je crois que les seigneurs de Tinténiac, successeurs des
Ismaëlites, sont les fondateurs du château de Montmuran.
Construite sur une éminence qui domine la contée avoisinante, cette
nouvelle forteresse remplaça pour les sires de Tinténiac leur ancien donjon
réduit en ruines. Elle doit dater au moins du xiiie siècle, car en
1269 Olivier de Tinténiac, rendant hommage à Agnès d'Erbrée, abbesse de
Saint-Georges, s'engageait à lui payer annuellement, sur ses seigneurie et
terres de Montmuran., une rente de 48 livres.
Du Guesclin est mort depuis cent
soixante ans seulement. A Montmuran, tout rappelle sa
gloire. Le « Chemin sanglant » menant à l'illustre
demeure, vit la déroute de Caverley. La tour du Nord conserve l'ameublement
du Connétable : les tapisseries commémorent ses exploits.
Coligny s'agenouille, à la messe quotidienne, sur le carreau
de la. chapelle où il -passa sa veillée d'armes
chevaleresque.Un vitrail de l'église paroissiale des Iffs le représente délivrant la forteresse tombée aux mains de l'Anglais. Ses petits
neveux, les Beaurnanoir, les Coëtquen, les Mauny, les (le Saint-Pern,
etc..., relèvent - de la seigneurie . comme les Denoual, les Robiou, les de l'Estang,. descendants de cadets de Tinténiac, et par eux cousins de Charlotte : les Montalembert.
Aux temps anciens, conte le roman de Tristan et Yseult, le Roi Marc régnait en Cornouaille-, A sa cour de Tintagel, il y avait quatre barons, et je sais bien vous redire leurs noms: Andret Guénelon, Gandoine, Denoalen.
A Tinténiac, en l'an 1030, relate le cartulaire de Saint-Georges Gléhec le très volant a trois fils : Marc ou Marhoc le chevalier; Prualt, Denoal le grand. Pure gent celtique. Marhoc hérite de la forteresse de Tinténiac. Le domaine de Châtelain à l'orée de la giboyeuse forêt de Tanoern échoit à Prualt.
Pour la défense de sa terre, l'abbesse de Saint- Georges se confie à Denoal, soldat légendaire , et lui permit d'y bâtir une maison forte. Il désigne, en la forêt du Parc, le coteau de la Bruyère, semé de menhirs et pierres à bassins, abrités sous la ramure millénaire des chênes révérés. Teutatès y est encore adoré. Entre ces autels druidiques et une fontaine sacrée, sous leur égide, la sauvage colline se couronne de murailles géantes, d'où son nom: Montmuran .
Le territoire se détachera, plus tard, de Tinténiac, pour s'attaché à une jeune ‚église, Les iffs fondée à la porte du château.
Wilhem (Guillaume) le Féroce, fils aîné de Denoal lui succède. Il pèlerine en Terre sainte, avant la première croisade, et prend au retour le surnom d'Ismaélite en mémoire du voyage expiatoire. Ses descendant glorieux chevaliers bannerets se nommeront Tinténiac. Charlotte est issue de cette souche.
Les cadets de Guillaume, simples écuyer, dispersés sur le territoire de la seigneurie, fondent des manoirs, conservant le nom patronymique, DENOUAL .
En 1553, la mouvance de Tinténinac comprend soixante-dix maisons nobles, peuplées par leurs descendants, chevaliers ou écuyers, issus des « gas » du Connétable, compagnon de toutes ses chevauches.
Armoiries
de TINTENIAC
D'or
à deux jumelles d'azur posées en fasces ,
Au
bâton de gueules brochant en bande sur le tout .
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